La modernisation de la distribution alimentaire de proximité au Maroc

Entre l’ancrage des Hanout et l’essor des enseignes modernes, la distribution marocaine vit une révolution discrète mais durable.

Le commerce de détail au Maroc s’appuie encore très largement sur le réseau traditionnel des épiceries de quartier, ou “Hanout”, qui continuent de représenter près de 80 % du marché. Leur ancrage reste particulièrement solide dans les zones rurales et semi-urbaines, où ils constituent souvent la première source d’approvisionnement. En revanche, dans les grandes villes, cette part tend à s’éroder : les estimations montrent qu’elle pourrait descendre autour de 60 %, portée par l’essor rapide des enseignes modernes.

Ces points de vente traditionnels doivent leur résilience à plusieurs atouts : proximité immédiate, possibilité de paiement flexible et réponse rapide aux besoins quotidiens. Chaque nouveau lotissement ou quartier urbain voit apparaître des épiceries, confirmant leur rôle central dans l’écosystème de la consommation.

Une mutation accélérée du secteur

Parallèlement, la distribution moderne connaît une expansion sans précédent. Urbanisation galopante, montée en puissance d’une classe moyenne en transformation et évolution des habitudes de consommation poussent de grands groupes comme Marjane, LabelVie, BIM ou Kazyon à multiplier les initiatives. Leur objectif : conquérir des parts d’un marché en pleine redéfinition.

Le format de proximité devient dès lors une arme stratégique. Des enseignes comme Marjane City, Carrefour Express, Supeco, BIM et Kazyon se positionnent en proposant des modèles hybrides qui allient rapidité, praticité et diversité de l’offre, afin de séduire aussi bien la clientèle urbaine pressée que les ménages à revenus plus modestes.

2025, l’année de la bataille des formats de proximité

La tendance est claire : l’avenir de la distribution moderne au Maroc se joue sur les concepts de proximité, qu’ils soient premium (avec une expérience client enrichie) ou hyper-discount (avec un accent sur les prix).

• Marjane City : inaugurée fin 2023, cette enseigne vise la clientèle citadine en combinant rapidité d’achat, confort, espace convivial et même un coin café, une première dans le paysage marocain.

• Carrefour Express : développé par le groupe LabelVie, ce format fonctionne principalement en franchise, permettant une extension rapide tout en s’adaptant finement aux réalités locales.

• Supeco : autre enseigne de LabelVie, elle se positionne sur le segment discount. Rien qu’en 2024, 61 ouvertures ont porté son réseau à 80 magasins, preuve de son dynamisme.

• BIM : pionnier du hard discount au Maroc avec 745 points de vente, BIM s’appuie sur une gamme réduite mais ciblée, misant sur la constance des prix bas.

• Kazyon : dernier entrant agressif, il a ouvert 116 magasins en une seule année, avec l’ambition d’en exploiter 300 d’ici fin 2025. Son positionnement : le discount à grande échelle, tourné vers les foyers à faible pouvoir d’achat.

Un secteur à fort potentiel, mais semé de défis

Le marché marocain de la distribution moderne est à un tournant stratégique. Comme le souligne Richard Lasri :

« Le paysage de la distribution marocaine vit une révolution discrète, mais durable. »

Plusieurs tendances accélèrent cette transformation :

• Urbanisation : d’ici 2030, deux Marocains sur trois vivront en ville, offrant un terrain propice au développement des grandes enseignes.

• Digitalisation et e-commerce : le commerce en ligne affiche une croissance annuelle moyenne de 20 % depuis 2020. Des acteurs comme Marjane Mall investissent massivement dans les solutions numériques et le e-commerce alimentaire.

• Formats hybrides : l’avenir sera aux points de vente intégrant différents services – drive piéton, restauration-snacking, corners de marques, voire coworking.

• Franchise : un levier puissant, déjà utilisé par LabelVie avec Carrefour Express. Ce modèle réduit les investissements directs et permet une implantation rapide. Marjane City pourrait suivre cette voie prochainement.

• Durabilité : la mobilité verte et les pratiques écoresponsables gagnent du terrain. Marjane City, par exemple, déploie des livraisons à vélo électrique en milieu urbain.

Les défis structurels à relever

Si les opportunités sont immenses, plusieurs freins subsistent :

• Moderniser les filières d’approvisionnement, notamment en produits frais.

• Développer des plateformes logistiques performantes pour soutenir la croissance et réduire les coûts.

• Surmonter la contrainte du foncier, qui renchérit l’implantation de nouveaux magasins.

• Composer avec la résilience des Hanout, encore très compétitifs dans les petites villes et les zones rurales.

Une cohabitation appelée à durer

En définitive, deux modèles se font face mais restent complémentaires :

• Les Hanout, enracinés dans la tradition, avec leur service personnalisé et leur flexibilité.

• Les enseignes modernes, qui apportent diversité de l’offre, qualité standardisée et innovations logistiques.

Cette dualité façonne le futur du commerce marocain, où tradition et modernité ne s’excluent pas mais dessinent un paysage de plus en plus hybride.

Par la rédaction d'AfriqueFranchise.com